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Carnet de voyage BRÉSIL : LES OBJETS DE MÉMOIRE DANS LE CANDOMBLÉ  – Episode 1

Carnet de voyage BRÉSIL : LES OBJETS DE MÉMOIRE DANS LE CANDOMBLÉ – Episode 1

São Paulo, la vibrante et chaotique mégalopole brésilienne, recèle des lieux mystiques où l’homme semble dialoguer avec l’invisible. C’est en explorant les objets de mémoire que j’ai fait la découverte de l’univers fascinant du candomblé, guidé par le sacerdoce Cláudio de Oxum.

La maison de candomblé se situe en périphérie de la cité, à l’orée de la majestueuse forêt atlantique, vêtue de ses robes émeraude et de ses limbes délicats. À l’approche de ce sanctuaire, une brume douce embrasse le paysage, révélant un tableau d’une beauté éthérée où une étendue d’eau s’épanouit dans l’écrin luxuriant de la végétation. Connue sous le nom d’Ilê Olá Omi Asé Opô Aràkà, la « Maison d'honneur des Eaux d'Oxum, symbole sacré qui relie le ciel et la terre d'Oxumarê » incarne un espace hors du temps, où sacré et mémoire s’entremêlent.

Mère Carmen (à gauche), avec ses fils Pai Karlito de Oxumarê (au centre) et Babá Cláudio de Oxum (à droite et assis), lors des festivités dédiées à Oxum. Dans le candomblé, le guide spirituel est appelé un sacerdoce. Toutefois, les fidèles emploient le terme de « saint », issu du syncrétisme religieux, qui donne lieu à des expressions telles que « père du saint » et « mère du saint », correspondant à babalorixá et iyalorixá.  

Ilê Olá Omi Asé Opô Aràkà

Je me suis toujours interrogé sur l’origine des offrandes que j’ai déjà observées dans les carrefours, ici et là, au grès de mes pérégrinations paulistes. Selon un ami brésilien, « c’est des trucs de macumba », associant les cultes afro-brésiliens de manière péjorative et erronée à des pratiques sataniques ou à la magie noire. Cette idée a émergé dans les années 1920, à une époque où les institutions religieuses chrétiennes au Brésil exprimaient des réserves vis-à-vis de la macumba, la considérant comme incompatible avec les valeurs bibliques. 3 

En réalité, le terme « macumba » désigne à la fois le tambour qui est utilisé pendant les cérémonies, mais aussi le culte lui-même, dont le mot est plus populaire à Rio de Janeiro ; ailleurs au Brésil, il est appelé candomblé ou encore xangô. 

Apparus dans l'obscurité des quartiers d'esclaves noirs venus d’Afrique, les cultes afro-brésiliens se sont mélangés au fil du temps à la culture des chrétiens blancs, des mulâtres, des Indiens, des cafuzos (descendants de noirs et d'Indiens), constituant une partie de l'héritage culturel du peuple brésilien. Dans le candomblé, le culte est divisé en nations et les fidèles vénèrent les divinités africaines, les orixás, qui sont des forces pures de la nature. Toutefois, la méconnaissance et l’exclusion, issues du processus historique de l'esclavage au Brésil, ont conduit à la condamnation des cultes religieux africains et de leurs pratiques, entraînant discrimination et intolérance.

La maison de candomblé Ilê Olá Omi Asé Opô Aràkà se situe au bord d’une retenue d’eau, entourée de la forêt atlantique. Parmi les sept « terreiros » classés de l’état de São Paulo, c’est le seul lieu de culte construit au milieu de la végétation.

 

C’est de cette manière que Babalorixá Cláudio de Oxum m’a partagé son engagement auprès de sa communauté lors de notre première rencontre : « Je suis militant, noir, gay et pratiquant du candomblé, et j'en suis très fier, car je crois qu’il est essentiel de prendre conscience de ce qui est si bon en chacun de nous. La foi est quelque chose qui est l'air que je respire et l'air que je respire s'appelle Oxum. Oxum me procure de la nourriture, de l'argent, de la santé, de l'amour, du bonheur et je ressens de plus en plus ce sentiment qu'est l'amour dans le candomblé ». 

Au cours des dernières décennies, les politiques publiques ont reconnu l'héritage historique et culturel des populations afro-brésiliennes dans la construction de la société nationale, inscrivant les lieux de culte du candomblé, appelé « terreiro », au patrimoine matériel et immatériel. C’est dans ce contexte, et après des années de lutte, que la communauté de Mère Carmen et de ses fils, Karlito de Oxumarê et Cláudio de Oxum ont inauguré Ilê Olá Omi Asé Opô Aràkà en 1996, démontrant la vitalité du candomblé dans la vie contemporaine brésilienne. 

D’après Cláudio de Oxum, les orixás ont contribué à l’acquisition du terrain. Alors que la famille de Mère Carmen était sur le point de renoncer à l’achat de la propriété en raison des conditions de paiement, la propriétaire a découvert que les acheteurs avaient l’intention de bâtir une maison de candomblé sur le terrain, ce qui a facilité les négociations. Elle était la fille d’un professeur de l’Université de São Paulo, spécialiste des religions et ami de Pierre Verger, un chercheur français renommé pour ses travaux sur le candomblé.