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Carnet de voyage Brésil :  Le Ebó

Carnet de voyage Brésil : Le Ebó

Ce jour-là, lisant mes derniers messages, je remarque une invitation envoyée par Babá Cláudio pour la célébration de Oshum, l’Orishá qui règne sur les eaux douces, considérée comme la divinité de la beauté et de la fertilité. C’est un évènement important pour la communauté qui vient de différentes régions de São Paulo et du Brésil pour se réunir et célébrer les Orishás. La maison de candomblé est d’ailleurs toujours animée. D’abord, Mère Carmen et ses fils, Père Karlito et Babá Cláudio, sont des sacerdoces reconnus et accueillent de nombreux visiteurs pour les obligations religieuses qui rythment la vie des initiés. « C’est comme recharger les batteries, tout en honorant son Orishá », me dit l’un des membres de la famille qui revenait de trois jours de festivités à Bahia, dans le nord du Brésil. Toute la famille de Mère Carmen est également logée dans la Maison de candomblé, ses cinq enfants, dont deux adoptés, et ses petits-enfants, chacun ayant un rôle spécifique dans le quotidien du terreiro.

« Bains aux herbes. Coq ». Indécis, j’ai finalement jugé qu’il était préférable de réaliser le rituel de l’Ebó, imaginant assister à la cérémonie dédiée à Oshum. D’un certain point de vue, il était nécessaire que je sois « propre », pour pouvoir pénétrer dans le temple et tenter de contempler l’invisible. La veille du rituel, Babá Cláudio m’envoie un mystérieux message : « combo – oeuf – gin - 21 pièces de monnaie - 21 billets ». Le téléphone sonne. « Apporte aussi un vieux vêtement et des habits blancs ».
En cette fin d’après-midi, une fine pluie balaie l’horizon, sublimant les senteurs de la terre et des sous-bois. Lorsque j’arrive à la maison de candomblé, je m’aperçois que tout le monde est occupé à préparer les divers rituels de la journée. Après lui avoir remis les objets de l’étrange requête, Babá Cláudio m’invite à conserver l’argent et à utiliser mes vieux habits. « Je te retrouve tout à l’heure pour rendre hommage à Eshu », prévient-il, me conduisant jusqu’au temple dédié à Oshaguiã. Différentes offrandes sont placées sur un muret et une vasque de terre est déposée devant moi. C’est Ivan, le frère cadet de Babá Cláudio, qui est le préposé au rituel. Le sacerdoce m’avait déjà parlé de lui, le présentant comme le Oshugum de la maison, c’est-à-dire le responsable des sacrifices d'animaux. À mes côtés, des enfants se sont organisés pour le début de la cérémonie, l’un d’entre eux tenant une poule blanche dans les bras. « Pense à quelque chose de bénéfique », me dit alors le Oshugum.
Après avoir fait glisser diverses offrandes végétales sur mon corps, de la tête aux pieds, qu’il dépose ensuite dans la vasque de terre tout en récitant des prières, il saisit la poule et répète le même rituel. Puis, d’un geste agile et précis, il la saigne dans la vasque avant d’en ouvrir les entrailles. « Regarde, il y a quatre oeufs, c’est une bonne nouvelle », m’annonce le Oshugum avant de m’inviter à quitter le patio et à piétiner des herbes sacrées déposées au bord de l’escalier. Une fois le rituel achevé, il coupe mon vieux t-shirt et me l’enlève.

Toutes les demeures dédiées aux Orishás sont construites le long de la pente, en contrebas du temple. Sous la couverture de la végétation luxuriante, où des perruches se sont perchées, jacassant dans une rare cacophonie, des statues et d’autres bâtisses se joignent à l’ensemble, dont une bibliothèque, une grande cuisine à ciel ouvert et une salle de bains. C’est dans cette dernière que le Oshugum me convie à entrer pour le bain aux herbes. Après m'être lavé au savon dans la large pièce décorée de faïences portugaises, j'ai attendu, conformément aux instructions. La porte frappe. Sur le seuil de la porte se tient, cette fois-ci, le Babalosaniyn, le Père responsable des feuilles sacrées et de leurs rites.
Quelle étrange sensation que de se retrouver à genoux, tête baissée, dans le plus simple appareil ! Ce n’est ni un ressenti de vulnérabilité ni un vain sentiment, mais plutôt une connexion brute et organique aux éléments, l’air humide fleuretant avec les pores de la peau et les parfums de la terre jaillissant de toute part. Le Babalosaniyn me passe alors diverses plantes sur la tête et sur le dos, dont le combo que j’avais apporté ; impossible d’oublier sa texture visqueuse rappelant l’aloe vera. Pour clore le rituel, il me casse un oeuf sur la tête, avant de me rincer avec de l’eau tiède. De blanc vêtu, je quitte finalement la pièce, comme si je sortais d’une grotte. Regardant autour de moi, des voiles de lumières dessinent alors des ombres qui s’évanouissent aussi tôt.

 

LES OFFRANDES

Chaque offrande est considérée comme une offrande d'énergie qui revient à la personne qui la fait. La cuisine du terreiro est l'un des espaces les plus sacrés du candomblé et toutes les offrandes s'inscrivent dans la tradition alimentaire héritée de l'époque de l'esclavage. Pour les orixás, la nourriture était ce à quoi les ancêtres et les aïeux avaient accès et cette tradition perdure dans le candomblé jusqu'à aujourd’hui.
L'alimentation des orixás comprend des sacrifices d'animaux, ainsi que la préparation d'une partie de leur viande, des céréales et des fruits. Les fleurs et les bougies font également partie des offrandes.
Malgré les discriminations et les préjugés, les animaux sacrifiés dans le candomblé sont pleinement utilisés. Chaque animal est traité avec le plus grand respect : le sang est offert sous forme d'énergie vitale pour renforcer spirituellement les fidèles ; le cuir est utilisé pour les atabaques, tandis que les plumes servent à confectionner des vêtements ; la viande sert de nourriture à tous les membres de la communauté.

 

LES HERBES

Un proverbe original du candomblé est le suivant : « Kosi Ewè, Kosi Orixá », ce qui signifie « Celui qui ne comprend pas les herbes ne comprend pas l'Orixá ».
Les herbes occupent une place centrale dans le candomblé et sont utilisées dans tous les rituels, sous forme de bains, de thés, d'offrandes et de décorations.
Chaque feuille a des propriétés uniques et chaque Orixá possède ses propres plantes et feuilles. Avec les herbes, les adeptes du candomblé préparent des bains, des fumées et des thés à des fins diverses : la santé, l'amour, l'argent, l'amélioration émotionnelle et psychologique. Une prière spécifique, appelée « Sassanha », permettait d'éveiller le pouvoir de chaque plante.